Les relations découlant du Traité

Je suis Cri et Nakota, de la Première Nation de Little Black Bear, en Saskatchewan. Comme la plupart d’entre vous, je suis aussi une Personne visée par un traité. Le territoire du Traité no 4 est un endroit d’une incroyable beauté. Lire la suite>>

Les relations découlant du Traité

Pour comprendre une alliance sacrée qui durera « aussi longtemps que le soleil brillera, que les eaux couleront et que l’herbe poussera. »

Le chef Perry Bellegarde explique l’engagement incarné dans la relation du Traité. Il affirme sa confiance que la promesse de respect mutuel et de réciprocité deviendra une réalité.

Je suis Cri et Nakota, de la Première Nation de Little Black Bear, en Saskatchewan. Comme la plupart d’entre vous, je suis aussi une Personne visée par un traité.

Le territoire du Traité no 4 est un endroit d’une incroyable beauté. La rivière Qu’Appelle – la kah-tep-was en cri – a profondément creusé la terre en serpentant entre les collines herbeuses. Selon la tradition crie, toutes les créatures qui marchent, rampent, nagent ou volent sur cette terre sont nos parents.

La Nation de Little Black Bear a conclu un traité avec la Couronne britannique il y a près de 150 ans, alors que la jeune nation du Canada s’étendait vers l’ouest. Nous avons consacré le Traité 4 avec une cérémonie parce que nous avons compris que le Traité était plus qu’un simple accord – c’était une alliance sacrée qui durerait « aussi longtemps que le soleil brillera, que les eaux couleront et que l’herbe poussera ».

La reine Victoria, l’incarnation de la Couronne, était notre partenaire de traité. Lorsque le Traité 4 a été conclu, le Canada a offert à nos dirigeants des médaillons. Ces médaillons étaient des représentations visuelles de ce pacte. Sur une face figurait un portrait de la Reine.

L’autre face du médaillon du Traité montre deux hommes se donnant la main. L’un est membre des Premières Nations et l’autre est européen. À leurs pieds, on voit une hachette enterrée. Il n’y a pas eu de conquête. Notre traité est un engagement envers la paix et l’amitié entre égaux. Derrière les deux personnages, nos tipis s’étendent jusqu’à l’horizon. Il n’y a pas de clôtures. La Couronne confirmait que nous continuerions à vivre sur le territoire selon nos traditions et sans interférence.

Bien que je parle plus particulièrement du Traité 4, un esprit et une intention similaires ont présidé à la conclusion de traités sur l’ensemble du territoire, depuis les premiers traités de paix et d’amitié avec les Mi’kmaq et les Wolastoqey sur la côte Est jusqu’aux traités Douglas, souvent oubliés, sur l’île de Vancouver. La Couronne a conclu plus de 70 traités avec les Premières Nations avant 1923. Dans tous les cas, notre peuple a vu dans le processus des traités l’affirmation que nous allions vivre aux côtés de nos nouveaux voisins sur la base du respect mutuel et de la réciprocité.

Pour les peuples autochtones, les traités sont encore bien vivants. C’est pourquoi nous continuons à dire à nos voisins non autochtones : « Nous sommes tous des personnes visées par un traité ».

Cependant, nous savons aussi que l’esprit et l’intention originels des traités ont été rapidement trahis. Alors même qu’il négociait le Traité 4, le Canada mettait en oeuvre des lois répressives qui confinaient les Premières Nations à de minuscules réserves, renversaient nos structures traditionnelles de gouvernement et arrachaient les enfants des Premières Nations, des Inuits et des Métis à leurs familles et à leurs cultures. Il n’y avait ni respect ni réciprocité.

Les peuples autochtones du Canada vivent aujourd’hui avec les conséquences de cette trahison.

Un rapport de recherche de 2019 préparé pour le gouvernement federal a appliqué l’indice de développement humain des Nations Unies à la situation des Premières Nations au Canada. Cet indice mesure les indicateurs fondamentaux de la santé, du bien-être et de la sécurité économique, tels que l’espérance de vie, le revenu et l’éducation. Alors que l’indice classe le Canada au 12e rang des pays les plus riches du monde, cette étude a classé les réserves des Premières Nations à 66 places derrière le reste du Canada et en dessous de l’Albanie et du Mexique.

Pour moi, les causes sont évidentes. Les peuples autochtones se sont vu refuser le contrôle de leur propre vie. Nous ne disposons pas d’une assise territoriale suffisante et saine pour que nos économies traditionnelles puissant prospérer. Les droits protégés par les traités, la Constitution et le droit international sont régulièrement bafoués. Nous faisons face à une discrimination systémique en ce qui concerne l’accès à des services que d’autres personnes au Canada tiennent pour acquis. Les blessures causées par d’horribles violations des droits de la personne, comme le système des pensionnats, n’ont jamais été guéries.

Ce que je veux souligner, c’est que rien de tout cela ne devait arriver. Rien de tout cela ne serait arrivé si les relations découlant du Traité avaient été honorées.

Je tiens également à préciser que, malgré les terribles torts que nous avons subis, les peuples autochtones demeurent forts et résilients. Nous avons gardé nos cultures et nos traditions vivantes. Nous avons mis au point des moyens novateurs pour répondre aux besoins des communautés isolées et éloignées et pour protéger les écosystèmes fragiles. Et nous n’avons jamais renoncé à l’intention et à l’esprit originaux de nos traités.

Aujourd’hui, je vois des raisons d’espérer. Des batailles juridiques âprement menées ont confirmé nos droits inhérents, notre titre et notre compétence. Les tribunaux ont déclaré que « l’honneur de la Couronne » n’est pas une simple abstraction : ce principe a des conséquences juridiques qui exigent, entre autres, de respecter l’esprit et l’intention originels de nos traités. La Commission de vérité et de réconciliation a suscité un profonde désir national d’établir une nouvelle relation avec les peuples autochtones. Et l’adoption de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones – une victoire qui a nécessité plus de deux décennies de travail – établit une base de principes et une norme juridique pour cette relation.

Nous vivons une période de profonds changements au Canada. Je l’ai constate moi-même dans les négociations que nous menons avec le gouvernement et l’industrie et dans les conversations que nous avons avec nos voisins. Sans aucun doute, nous avons encore un long chemin à parcourir : les titres des journaux le confirment chaque jour. Mais nous faisons des progrès considérables. Les Premières Nations continuent de dire : « Nous sommes tous des personnes visées par un traité ». Faisons en sorte que cette génération soit celle où la promesse de respect mutuel et de réciprocité contenue dans les traités devienne réalité.


Perry Bellegarde a été chef national de l’Assemblée des Premières Nations de 2014 à 2021 et est le président honoraire de la Société géographique royale du Canada.